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Mes tribulations au pays des rennes et d'Ikéa!
2 juin 2019

Where the Earth is born.

Jours 7 et 8 (01 et 02/01/2019)

"La voyez-vous passer, la nuée au flanc noir ?
Tantôt pâle, tantôt rouge et splendide à voir,
Morne comme un été stérile ?
On croit voir à la fois, sur le vent de la nuit,
Fuir toute la fumée ardente et tout le bruit
De l'embrasement d'une ville.

D'où vient-elle ? des cieux, de la mer ou des monts ?
Est-ce le char de feu qui porte les démons
À quelque planète prochaine ?
Ô terreur ! de son sein, chaos mystérieux,
D'où vient que par moments un éclair furieux
Comme un long serpent se déchaîne ?"

[Extrait de "Le Feu du Ciel", Victor Hugo]

 

2 jours en un article puisque le 1er de l'an n'aura pas été fort occupé. Suite à notre réveillon, nous émergeons en effet aux alentours de midi et dégustons un "petit déjeuner" avec les pâtes feuilletées, knackis, pesto, emmental et jambon qu'il nous reste de la veille (pas de gâchis!). Une partie de Blanc Manger Coco aux heures les plus chaudes achève de nous mettre en jambe, et nous voilà partis pour Grande Anse, à quelques minutes de St Pierre. La plage est dominée par une colline qui avance vers la mer, et occupée par de grands arbres aux larges troncs qui projettent leurs ombres sur l'herbe rase et qui cèdent ensuite la place au sable brûlant. Le bassin de baignade (protégé des requins) est cependant restreint, plutôt envahi d'enfants, mais suffit pour se rafraîchir avant une petite sieste pendant que les autres s'affrontent au molki. Nous restons jusqu'à ce que des gouttes de pluie éparses sonnent la retraite. Marc et Micka repartent pour St Denis, travail oblige, tandis que nous retournons avec Candice chez Kevin et Chloé afin d'être plus proches du volcan le lendemain. La soirée s'achève tranquillement et précocément (20h30) devant Dirty Dancing, nos réveils étant programmés à 3h45 pour notre escapade géologique...

Réveils qui ont sonné parfaitement à l'heure. La préparation est un peu embrumée, mais rapide, et nous quittons un St Pierre endormi à l'heure prévue. Le ciel est dégagé, la lune nous sourit finement depuis l'espace et les étoiles ne semblent briller rien que pour nous. Nous nous arrêtons à une station essence, pause infructueuse puisqu'il n'y a plus de SP95, mais qui nous vend quand même des pains au chocolat et un macatia encore chauds. Le carburant devrait tenir l'aller/retour... Ce dont nous doutons finalement un peu après nous être engagées dans un raccourci du GPS qui nous fait grimper tout droit dans la montagne, notre brave titine avalant autant de litres qu'une équipe de rugbyman aux interagros. Ce moment de stress passe lorsque nous rejoignons la route principale, quasi à Bourg Murat. L'ascension se poursuit, et nous croisons ou sommes dépassées que par très peu de véhicules. Nous passons à côté d'une ferme qui s'apprête à démarrer la traite, et les lumières du bâtiment constituent une des dernières marques de civilisation sur notre itinéraire. Alors que le jour commence à poindre, nous gardons majoritairement nos yeux rivés sur la brume qui s'attarde sur le sommet devant nous. Nous nous retournons aussi parfois, scrutant la nuit à la recherche de phares qui nous suivraient, annonciateurs d'une voiture qui pourrait potentiellement nous récupérer en stop pour traverser la plaine des Sables. Candice craint en effet que la piste soit barrée de gros dos d'âne compliqués à passer, comme la dernière fois qu'elle s'y était rendue, et que nous ne puissions pas accéder au pas de Bellecombe... Je lui demande une pause pour immortaliser les couleurs de l'aube qui contrastent avec le gris des nuages et le noir de la montagne, avant la descente en lacets vers la plaine des Sables.

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L'atmosphère est incroyable, et ce n'est que le début de ce jour qui fait certainement partie de mes plus beaux moments sur cette île. Nous réussissons à traverser sans encombre la plaine des Sables, les dos d'âne ayant retrouvé une taille correcte, Candice me montre au passage le gîte où ils ont l'habitude de dormir, mais qui est fermé du fait des vacances et du réveillon, et nous nous garons au pas de Bellecombe, qui surplombe l'Enclos, et où peu de véhicules sont pour l'instant stationnés. Nous admirons le lever du jour sur le volcan face à nous. La pierre se teinte de nuances chaudes, quelques doigts de brume s'accrochent au sommet du dôme et aux parois arborées de l'Enclos, qui me font penser au mur qui ceint la prison de jeunes ados dans Le Labyrinthe... Un peu comme le Machu Picchu s'était révélé à nous au fur et à mesure de la journée, la plaine lunaire et la montagne striée d'anciennes coulées se réveillent dans une ambiance appropriée, comme seule la nature sait en créer.

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IMG_2657 Photoshop

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Les photos de rigueur étant prises, nous commençons la descente vers la plaine de l'Enclos, le Piton des Neiges veillant sur notre dos. Je n'imaginais pas que nous allions marcher là-bas en bas, jusqu'à ce que Candice me montre du doigt deux personnes, petites fourmis sur la roche, pointant ainsi notre destination. Un quart d'heure plus tard, et nous foulons à notre tour ce lieu de désolation... Et pourtant si majestueux. Ce qui semblait presque plat vu d'en haut ne l'est pas tant, car la lave s'est refroidie en monticules de taille variée. Comme nous l'avions observé près du littoral, la végétation reprend ses droits sur la croûte terrestre, et des mousses et arbustres parsèment le relief, le rendant à peine moins désertique.

piton des neiges vu depuis pas de bellecombe

Le Piton des Neiges, vu depuis le parking du pas de Bellecombe

IMG_2660Arrivée dans l'Enclos

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Nous laissons le cône strombolien sur notre droite pour un peu plus tard, puisque notre objectif est de voir le cratère Dolomieu, et que plus le temps passe, et plus la probabilité que les nuages le masquent augmente. Nous traversons donc la "plaine", passant tout près de l'avant-dernière coulée en date, couche épaisse, plus sombre et chaotique que le reste.

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Nous suivons le balisage de pointillés blancs (cherchez-les sur la photo ci-dessous ;) ), bien pratique pour se repérer et (c'est Candice qui me l'apprend), fluorescent la nuit, lorsque nous sommes doublées par un joggeur. Instant insolite. "Tu fais quoi ce matin? Oh, mon footing sur le volcan". Y a plus désagréable, comme cadre pour un petit entraînement... Il faut juste des baskets bien résistantes, vu l'aspect de mes Speed Cross après 5h de marche sur cette roche abrasive. Mais nous n'en sommes pas encore là, fermons la parenthèse.

Nous partons à l'assaut des flancs du Piton, escaladant le magma figé en longs serpentins ou en ballons irréguliers. Nous nous trompons un peu en suivant machinalement les gens devant nous, qui grimpent tout droit dans la pente, mais Candice, fidèle à ses souvenirs et à sa classe de guide 5*, retrouve le tracé qui contourne le cratère (qui, bien que certainement plus long, est néanmoins supposé plus facile... Supposé car Cancan n'a jamais testé la version "verticale").

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Soleil et brume alternent, et comme nous ne croisons que peu de personnes, cela nous donne l'impression que le monde (ou tout du moins l'Enclos), nous appartient. Les formes torturées prises par la lave, les cônes volcaniques et les coulées récentes sont un régal pour les yeux et l'imagination. Le sol sous nos pieds change au fur et à mesure que nous montons, la roche lisse et dure laissant place à de petites pierres incrustées d'olivine (mot issu du lointain souvenir d'un passé scientifique... rappelé par Candice, qui fera pourtant les frais de ce terrain traître). Minéral qui piquette le sol de paillettes vertes sous la lumière.

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Et soudain, le Graal... ;)

 

Une dernière montée, et l'on aperçoit d'abord l'océan au loin sur notre gauche, avant de tourner notre regard à droite, vers la gueule béante, ouverte aux cieux et parfaitement dégagée, qui nous renvoie le vertige de ses 375m de profondeur. Le fond du cratère Dolomieu est calme, mais l'on rêve sans peine à l'enfer d'un braisier rougeoyant, d'où s'échappe de la fumée noire et la Terre nouvelle sous forme de lave en fusion. Et pour les fans du Seigneur des Anneaux, on ne peut s'empêcher de repasser dans sa tête l'une des dernières scènes du Retour du Roi, avec 2 Hobbits crasseux, un certain Gollum, et un anneau pour les gouverner tous, qui finira dans les flammes qui l'ont forgé... Nous profitons pleinement de cette vue fantastique sur le vide, les roches saillantes et les couleurs grise et ocre, prenons quelques photos (à défaut de réussir à faire un friend'fie correct, nous prendrons nos ombres...), et nous asseyons face aux flots pour déguster notre macatia bien mérité.

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N'ayant pas de grands aigles pour nous redescendre, mais étant dans une situation un peu moins pressante que Sam et Frodon, nous reprenons le chemin du retour sur nos 2 pieds. Si nous avons souvent été seules au monde à l'aller, de nombreuses personnes se dirigent à présent vers le cratère et empruntent donc le tracé en sens inverse du nôtre, l'occasion pour eux de nous demander si le cratère est visible ou pas, et si le sommet est encore loin pour ceux qui peinent (ou qui sont accompagnés d'enfants rendus un peu ronchons par la marche), ce qui nous fait disserter entre nous de l'intérêt de cacher parfois un peu la vérité de manière spontanée. Lorsque la partie balisée de la plaine et le Formica Léo s'offrent à nouveau à nos yeux, c'est une véritable fourmilière de promeneurs qui s'y dessine. J'apprécie au maximum les sculptures de lave et ce décor si particulier, qui prend encore des teintes différentes maintenant que le soleil est haut dans le ciel, parce que je sais que je ne reverrai pas cela de sitôt. Les cours de géologie sont loin, et c'est plutôt aux mots que je vais utiliser pour tenter d'exprimer mes sentiments auxquels je songe. Ici la pierre serpente comme de longues racines à la surface du sol, là un tunnel ou une fracture, ici encore un tumulus aggloméré... On pourrait écrire des pages et des pages sur les détails qui les composent et sur les nuances qui les peignent.

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Après plusieurs arrêtes photos et contemplation, nous atteignons la plaine, où le public que nous rencontrons devient plus hétéroclite, loin des sportifs et motivés du petit jour. Familles avec enfants en bas âge, personnes âgées, groupes d'ados et autres parcourent dans une chaleur montante cette merveille géologique accessible à tous. Je suis définitivement ravie de l'astuce de Candice de se lever (très) tôt, que ce soit pour le panorama à couper le souffle de l'aube, la chance de ne pas avoir eu de nuages au cratère, ou la tranquillité et la fraîcheur dont nous avons profité.  Nous terminons par un petit tour sur le Formica Léo, le fameux cône strombolien que nous avons laissé de côté 4h plus tôt, empilement de particules qui pourraient tout aussi bien avoir été déposées là par des semi-remorques, si l'accès routier n'était pas impossible.

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Nous effectuons la remontée abrupte vers le pas de Bellecombe, moi la tête encore remplie de cette expérience hors du temps, encore une, et de ces 4h30 de marche que je n'aurais pas vu passer.

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Il me reste à découvrir l'aridité rougeâtre de la plaine des Sables, qui était plongée dans le noir à l'aller, et se fendre d'une petite visite au cratère Commerson, moins célèbre que son grand frère, mais tout aussi impressionnant.

plaine des sables001

plaine des sables003

plaine des sables004Plaine des sables (x3)

cratère commerson001cratère Commerson

Puis la végétation revient, change et prend l'aspect d'alpages verdoyants où nous distinguons quelques vaches, laitières et allaitantes. C'est ici que nous faisons une pause snack américain plus que bienvenue, avant de décider d'un commun accord que la flemme est plus forte que notre envie de baignade, et que nous rentrerons donc à St Denis directement. 

descente vers plaine des palmistes001

descente vers plaine des palmistes004

Mais Candice me réserve une dernière surprise, avec la traversée de la plaine des Palmistes, où un écosystème encore différent succède aux alpages, dense et caractérisé par des espèces de grandes fougères arborescentes.

plaine des palmistes001

plaine des palmistes002

Nous y trouvons aussi la pluie, avant de redescendre vers le littoral. Le bleu de l'océan s'étale à nouveau devant nous, et je ne suis toujours pas lassée de cette vue plongeante lorsque nous rentrons du centre montagneux de l'île. A l'instar de quand nous quittons les routes des cirques, la civilisation paraît surgir de nulle part, et les maisons créoles colorées nous accompagnent jusqu'à la 4 voies. Pas de folie ce soir là autre que défaire nos sacs et préparer les brèdes achetées à midi pour le repas. Nous nous couchons tôt (l'habitude est prise), sans pression pour le lendemain, qui sera un jour de récupération avant le dernier périple du séjour : Cilaos.

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Mes tribulations au pays des rennes et d'Ikéa!
  • Stagiaire pour 5 mois à Uppsala en Suède, je vous propose de découvrir avec moi ce pays et de plonger un peu dans mon quotidien :) ça c'est ce qui était prévu à la base, j'en profite maintenant pour vous faire part de tous mes voyages!
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